• Alors demain flottera le drapeau noir

    La révolution… un terme certes très évocateur, mais qui dans l'esprit de la plupart des gens se réfère soit à des évènements historiques, soit à des conflits violents ayant lieu dans de lointaines régions du globe, en tous les cas quelque part bien loin de nous dans le cadre spatio-temporel. Qui aujourd'hui oserait encore imaginer une révolution en Europe occidentale ?

    Et pourtant… comment peut-on espérer un avenir de liberté en écartant d'emblée l'idée de révolution ? Cela me semble bien difficile vu la solidité du système actuel. Croire qu'il s'effondrera de lui-même me semble utopiste ; arriver à une société libre et égalitaire en réformant le système de l'intérieur me semble mission impossible.

    En effet, tout est lié. Si l'on s'attaque à une composante isolée du système, les autres s'uniront pour la défendre. Chaque institution du pouvoir a tout intérêt à ce que les autres ne faiblissent pas, car elles se protègent mutuellement. Les tout-puissants milieux économiques, les bras tentaculaires de l'État, les institutions religieuses dogmatiques. Tous s'entraident pour mieux étendre leur contrôle. L'État est intéressé par toutes les rentrées financières apportées par les milieux économiques. Ceux-ci ont tout intérêt à ce que l'État maintienne son autorité, car sans lui pas de justice que l'on peut corrompre pour obtenir ce que l'on veut ni de police pour les protéger en cas de besoin. Les institutions religieuses elles aussi ont intérêt à chercher l'appui de l'État : en bénéficiant d'une reconnaissance officielle, elles sont ainsi assurées de rentrées financières suffisantes qui leur assurent un certain pouvoir peu importe la fréquentation de leurs cultes. De même, l'État gagne à bénéficier du soutien des Églises et autres communautés religieuses, car de cette manière celles-ci se retiendront de critiquer la politique, même lorsqu'elle va à l'encontre de certains enseignements de la religion. Depuis des siècles, beaucoup de religions n'ont-elles pas prôné le respect de la loi et de l'autorité ? De plus, de nombreuses religions, en promettant un monde meilleur pour l'au-delà, sont en quelque sorte anti-révolutionnaires par nature : cela ne vaut pas la peine de lutter pour changer le monde présent si on a l'assurance d'une vie meilleure après la mort.

    Dès lors, il est facile de comprendre que les différents pouvoirs, tout particulièrement l'État et les milieux économiques, resteront très solidaires face aux diverses tentatives de les affaiblir ou de les démocratiser. Cela implique que la transformation du système par la voie démocratique est très difficile voire impossible. De plus, la prétendue démocratie actuelle fonctionne en grande partie en jouant sur la peur et sur de fausses promesses. Comment voulez-vous transformer radicalement une société par le biais de politiciens corrompus et de votants facilement influençables ?

    Il est nécessaire d'envisager d'autres moyens d'action… ce qui à mon avis passe nécessairement par une destruction des institutions en place, autrement dit, par la révolution. Attention cependant, révolution ne signifie pas guerre civile ni destruction de la société. Ce sont les institutions, clés de voute du pouvoir, qui doivent être démantelées.

    Le pouvoir le plus fort et le plus contraignant est celui de l'État. C'est lui qui contrôle la police, le système monétaire et la justice. S'il venait à disparaitre, il sera bien difficile aux autres institutions d'imposer quoi que soit. En effet, si quelqu'un aujourd'hui refuse d'obéir aux lois, il se fait remettre à l'ordre par la police et la justice. Il en va de même s'il refuse la propriété privée. Imaginons maintenant que l'État n'existe plus. Du moment que ni la police ni la justice n'existent plus, plus rien ni personne ne peut contraindre qui que ce soit. Dès ce moment, la propriété privée n'a plus aucun sens ni intérêt : chacun peut ainsi disposer librement de ce dont il a l'usage et qui ne sert pas à quelqu'un d'autre. De même, l'argent n'a plus aucune raison d'être : sans propriété, rien ne sert de baser ses échanges sur une valeur marchande ; seul le principe de l'usage et du non-usage s'applique dans ce cas.

    Si l'on venait à détruire le système économique en maintenant l'État (voire en le détruisant par le biais de l'État), la société ne serait certes plus dirigée par les intérêts financiers, mais le pouvoir étatique ne s'en retrouverait que renforcé, restreignant toujours autant la liberté individuelle. De même, le système monétaire étant maintenu, les échanges se baseraient toujours sur des valeurs marchandes. Cette voie est celle du marxisme, qui est nécessairement vouée à l'échec. L'espoir d'un auto-dépérissement de l'État lorsque le capitalisme sera vaincu est illusoire. Du moment que le peuple accepte de déléguer son pouvoir à des politiciens, il s'en trouvera toujours pour prendre gout à ce pouvoir et imposer leur volonté au peuple. Il est peu probable que la majorité de la classe politique accepte de renoncer à son propre pouvoir. Le pouvoir peut corrompre même les plus bonnes et généreuses personnes.

    Comme le résumait Bakounine, « Ils [les marxistes] maintiennent que seule la dictature —la leur, évidemment— peut parvenir à libérer le peuple. Notre [les anarchistes] réponse à cette affirmation est qu'aucune dictature ne peut avoir d'autres buts que sa propre perpétuation, et qu'elle ne peut engendrer que l'esclavage du peuple la tolérant. La liberté ne peut être créée qu'à partir de la liberté, c'est-à-dire par une rébellion universelle de la part du peuple et la libre organisation des masses laborieuses de bas en haut. »

    Au contraire, si l'on parvient à détruire l'État, tout le reste du système s'effondrera à sa suite. Même les institutions religieuses, pouvant parfois paraitre comme ennemies de l'État, s'affaibliront et seront contraintes soit de disparaitre soit de se transformer en des organisations libres où tout pouvoir et toute contrainte auront disparu. En effet, les gens jouissant de leur pleine liberté n'auront plus aucun intérêt à se réfugier dans des univers sombres et clos dans l'espoir d'un monde meilleur.

    Maintenant il convient de distinguer au sein de l'État les institutions de pouvoir et celles qui n'y appartiennent pas. L'État social ne détient pas de pouvoir en soi, rien ne sert donc de s'y opposer. Le développement des assurances sociales, de la promotion de la culture, des services publics et de la protection de l'environnement est à encourager car il permet de limiter les dégâts du système. Au contraire, l'ennemi du peuple est l'État politicien et policier, celui qui lui impose sa vision du monde et le maintient dans son rôle passif. C'est ce celui-là qu'il faut combattre.

    Le combat est à la fois individuel et collectif : individuellement, il ne faut pas se résigner à accepter ce rôle passif dans lequel nous sommes confinés ; collectivement, il faut s'organiser pour contourner le plus possible le système et affaiblir le pouvoir. Surtout, il faut convaincre les gens, leur montrer leur aliénation dont certains ne se rendent même plus compte…

    La révolution n'est définitivement pas un concept négatif et dépassé. C'est un passage obligé sur le chemin qui mène à un avenir fait de liberté et de bonheur… Mais cette révolution-là doit être différente. Il ne s'agit plus de prendre le pouvoir mais de le détruire.

    L'espoir n'est pas mort… la force de notre volonté fera s'écrouler le système. Ensemble nous pourrons détruire ce pouvoir qui nous opprime. Alors demain flottera le drapeau noir au vent de la liberté…

    « Caisse-maladie publique : un peu plus de justiceTout commence en soi-même… »

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  • Commentaires

    1
    Sonia
    Mercredi 10 Septembre 2014 à 16:24
    Salut a toi futur primicier des anars!

    Penses-tu vraiment que le systeme actuel ne risque pas de s'effondrer par lui-même?
    Ne se peut-il pas que la raréfaction des ressources et la pression démographique rendent inévitable la fin du consumérisme, ne serait-ce que dans un siècle?

    Je pense aussi que bien que nombre de gens cherchent a être libres, d'autres ne supporteraient pas le poids de la liberté qui implique par définition des responsabilités que doit gérer l'individu. La liberté implique aussi que l'on doit réfléchir par soi-même et je pense que nombreux sont ceux qui préfèrent qu'on réfléchisse pour eux.

    A bientôt.
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    2
    Mercredi 10 Septembre 2014 à 21:29

    Oui, bien sûr, le système finira certainement par s'écrouler un jour… mais dans combien de temps ? D'ici là beaucoup de choses peuvent se produire si personne ne fait rien. La raréfaction des ressources et la pression démographique, comme tu dis, peuvent mener à des guerres et de sérieux problèmes environnementaux. Et fin du consumérisme ne signifie pas fin du capitalisme, encore moins liberté individuelle. La société médiévale n'était pas consumériste mais n'en était pas plus enviable.

    Les gens qui n'aiment pas réfléchir n'auront qu'à laisser d'autres le faire à leur place. Être libre ne signifie pas devoir tout faire par soi-même. À chacun ses intérêts, à chacun ses talents… que chacun fasse ce qu'il veut vraiment faire et la société ne s'en portera que mieux. Si alors certaines activités nécessaires ne sont pas exercées, cela se fera bien vite sentir et il se trouvera forcément des gens qui se porteront volontaires pour cela.

    À bientôt et merci pour le commentaire !

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