• Bunkernation

    Et voilà, bientôt un peu plus de frontières et un peu moins de liberté. Le "peuple suisse" a accepté de limiter l'immigration dans ce pays. Le "peuple suisse", c'est-à-dire la population résidante moins un quart (étrangers) et deux fois divisée par deux (respectivement 55% de taux de participation et 50% d'acceptation parmi les votants), ce qui donne à peine plus de 3/16 de la population qui impose sa décision de verrouiller le pays. C'est ce que l'on appelle la démocratie…

    La Suisse prend donc la voie du repli identitaire. Nous sommes nés ici, nos ancêtres aussi, mais vous non, alors ne venez pas chez nous. Nous, nous arrivons à nous débrouiller tout seuls, alors débrouillez-vous chez vous. C'est malheureusement la mentalité qui a tendance à prévaloir. Finalement, on pourrait se demander si la raison d'être de la Suisse n'est pas d'être un ilot de prospérité, une société en apparence idéale, vivant dans la richesse au dépens des autres et en ignorant bien gentiment leurs problèmes.

    Le président de la Confédération se refuse de parler de dimanche noir. En 1992, lorsque les votants refusèrent l'adhésion à l'Espace Économique Européen, c'était la panique générale au gouvernement. Admirez l'humanisme de nos dirigeants : ne pas adhérer à une organisation impérialiste, c'est une catastrophe pour le pays, mais alors empêcher les gens de venir chez nous, au fond, ce n'est pas bien grave. Il y aurait beaucoup de traités internationaux dont la suppression serait profitable, tous ces accords qui ne servent qu'à renforcer le pouvoir économique… mais toute la classe dirigeante, en première ligne de laquelle on trouve ceux qui s'en prennent aux immigrants, tremble à l'idée même que ceux-là soient révoqués. Et là où la question est minimisée, c'est de limiter notre liberté. On voit bien les priorités de ce monde : les capitaux passent avant le reste…

    D'ailleurs, le texte accepté ne prévoit pas de limiter purement et simplement le nombre d'immigrants, mais de l'adapter aux besoins de l'économie. Je cite, du texte de l'initiative : «Les plafonds et les contingents annuels pour les étrangers exerçant une activité lucrative doivent être fixés en fonction des intérêts économiques globaux de la Suisse et dans le respect du principe de la préférence nationale; ils doivent inclure les frontaliers. Les critères déterminants pour l’octroi d’autorisations de séjour sont en particulier la demande d’un employeur, la capacité d’intégration et une source de revenus suffisante et autonome.» De nouveau, qu'est-ce qui compte ? Les intérêts économiques, les initiants eux-mêmes le disent.

    Dans ce même texte, le fait d'«inclure les frontaliers» met en évidence son fondement purement nationaliste : ainsi un habitant de Pontarlier en France voisine entre dans la catégorie "étranger" ; un Zurichois, vous me l'accorderez, est tout de même bien plus étranger à un Neuchâtelois qu'un ressortissant du Jura français.

    Cependant, il est certain que tous ceux qui ont glissé un oui dans l'urne ne sont pas xénophobes. De plus en plus de gens en ont assez de ce développement illimité qui ne profite à personne. Ils s'inquiètent des régions toujours plus construites, des villes toujours plus tristes et froides, des voies de communication toujours plus encombrées. C'est sur cette thématique que les initiants ont organisé leur propagande. Ce problème est bien réel, mais visiblement certains ne comprennent pas d'où il vient réellement. Ils se laissent donc facilement convaincre par les séduisantes affiches associant immigration et démesure, sans réaliser que se replier dans sa carapace ne va rien changer à la situation, surtout en calquant l'immigration sur les besoins de l'économie alors même que l'économie est au centre du problème. Espérons que ceux-là se rendront compte qu'ils se sont fait berner.

    En tous les cas, nous ne pouvons pas nous laisser faire. Ce pays ne doit pas devenir une forteresse, il faut faire comprendre les problèmes et leurs véritables sources. Mais cela ne suffira pas… jamais l'humanité ne sera vraiment libre tant que l'argent dominera le monde.

    « Toujours plus vite et toujours plus loinLa démocratie ou la tyrannie de la majorité »

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  • Commentaires

    1
    Agnès
    Dimanche 25 Mai 2014 à 22:07

    Hey,

    L'argent, toujours l'argent...

    Est-ce que tu as déjà entendu parler du "revenu de base inconditionnel"? Je pense que ce serait une solution pas si farfelue que ça. Encore faut-il qu'on le présente bien à la population. Parce que classiquement, les systèmes innovants font peur. C'est un saut dans la vide, il faut le reconnaître. Mais pourquoi ne pas tenter?

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    2
    Dimanche 25 Mai 2014 à 22:11

    Salut et merci pour ton commentaire !

    L'allocation universelle ? En effet je connais cette idée. Très bonne idée, même, ce serait un bon début. Ce serait une manière de reconnaître le droit à chacun, sans distinction, de mener une vie correcte indépendamment de son occupation et aussi de pouvoir refuser  plus facilement un travail qui n'a pas de sens (alors qu'aujourd'hui on est obligé d'avoir un salaire pour vivre). Mais comme je dis, un bon début seulement, car s'en arrêter là signifierait rester sous le règne du Kapital (parce qu'avec 2500.- par mois on ne va pas très loin). L'idée que notre existence repose sur des versements d'un État ne me plaît pas trop non plus.

    Effectivement, pourquoi ne pas tenter ? D'ailleurs il me semble qu'il devrait il y avoir une votation là-dessus d'ici quelque temps vu que l'initiative a abouti. Comme tu le dis, l'innovation fait peur, aux Suisses particulièrement (mais il faut reconnaître que ça a parfois des avantages), donc ce sera difficile pour que cette idée résiste à la "volonté du peuple", mais il faut y croire pour que ça marche !

    A.

    3
    Agnès
    Dimanche 25 Mai 2014 à 22:12

    J'y crois! J'y crois à fond alors.


    ps: "on ne va pas très loin avec 2500.- par mois", oui. Et si on s'habituait à aller moins loin? A moins vouloir de grandes choses?


    Effectivement qu'avec notre façon de vivre maintenant, avoir seulement 2500.- est illusoire.

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